Tournoi d’éloquence 2015
Salle à gradins de l’Institut Notre-Dame de Jupille
Vendredi 6 février 2015
Participants
Shekina Kyabawa
« L’éducation est une chose admirable, mais il est bon de temps en temps de se rappeler que rien de ce qui est digne d’être connu ne peut s’enseigner » (Oscar Wilde)
Benoît Lenaerts
Think different nous enjoint Apple et BMW nous rassure par la flatterie : « Vous n’avez jamais laissé personne vous dicter vos goûts. Vous avez bien fait. » La publicité nous pousse-t-elle à l’individualisme ou au conformisme ?
Sinem Bulmus
« La beauté n’est qu’un piège tendu par la nature à la raison » (Voltaire)
Elisa Milan
« La famille est un milieu où le minimum de plaisir et le maximum de gênes font ménage ensemble. » (Paul Valéry)
Kelly Houbart
« La beauté n’est qu’un piège tendu par la nature à la raison » (Voltaire)
Cécile Van Rickstal
« Aujourd’hui, il est interdit à un vieux d’être vieux. » (Michel Houellebecq)
Jérôme Willems
« Celui qui veut restaurer le communisme n’a pas de tête. Celui qui ne le regrette pas n’a pas de cœur » (Vladimir Poutine)
Anil Bolat
« On n’habite pas un pays, on habite une langue. Une patrie, c’est cela et rien d’autre. » (Emil Cioran)
Geneviève Mignolet
« Votre théorie est folle, mais elle ne l’est pas assez pour être vraie. » (Niels Böhr)
Ismail Lounis
« Suggérer c’est créer, décrire c’est détruire. » (Robert Doisneau)
Palmarès
1er prix
Jérôme Willems
2ème prix
Shekina Kyabawa
Prix du public
Cécile Van Rickstal
Le texte du vainqueur…
J’entends souvent dire que “la politique, ça ne sert à rien, ces trous du cul de politiciens ne pensent qu’a nous voler notre fric”. Et cette obstination à voir uniquement ce qui ne va pas, c’est humain après tout, nous empêche d’effacer un peu toute cette médiatisation qui ternit la couche profonde de la politique. Une part de réflexion plus profonde qu’on ne pourrait le penser. La politique est l’oeuvre de l’homme, qui l’a créée à son image. Voyez tout ce que la politique peut soulever d’intéressant, lorsqu’on s’y penche un peu plus…
Dans une de ses phrases les plus modérées, et les plus douées de sens, Vladimir Poutine affirme ce que le capitalisme ne veut pas entendre. Et dans une société où le capitalisme est devenu le modèle économique par excellence, le célèbre dirigeant russe fait pour une fois réfléchir les politiciens occidentaux sur leur position, pourtant si bien ancrée dans la droite, avec leur désir de possession matérielle et de pouvoir.
“Celui qui veut restaurer le communisme” déclare-t-il “n’a pas de tête. Celui qui ne le regrette pas n’a pas de cœur.”
Loin d’être irréprochable, et même critiquable sur de nombreux points, Poutine à quand même réussi à me toucher par cet élan de nostalgie des années 20, âge d’or de la gauche politique. Du temps où le communisme, loin de se résumer comme de nos jours à un système politique autoritaire, était une idéologie forte et organisée, mue par un ardent désir de se détacher de la dynastie des Romanov, et du feu des canons austro-hongrois.
Mais n’oublions pas que comme le dit Brasillach dans ses Frères Ennemis, l’histoire est écrite par les vainqueurs. La chute du régime communiste, avec celle du mur de Berlin, a entrainé le mépris et le dédain des états triomphants.
Sommes-nous, Européens, réellement en droit de critiquer le communisme ? De critiquer de grand noms tels que ceux de Karl Marx et Vladimir Lénine ?
“La propriété privée nous a rendus si stupides et si bornés qu’un objet n’est nôtre que lorsque nous le possédons.” J’emprunte cette phrase au père du marxisme car, après tout, il n’a pas tort, seulement nous ne voulons pas en entendre parler. Et je ne vous jette pas la pierre, car moi-même, comme vous, j’aime posséder, j’aime recevoir, j’aime garder, et je suis réticent à l’idée de donner quoi que ce soit. Car nous vivons dans un monde où la prospérité et l’opulence sont synonymes de bonheur, où la pauvreté est un fléau si elle nous tombe dessus, mais une réalité abstraite et sans importance lorsqu’on la croise au hasard d’un coin de rue.
La remise en question du communisme à été faite maintes fois. “Celui qui veut restaurer le communisme n’a pas de tête”. Les tristes exemples de l’Union des républiques socialistes soviétiques et Staline, de Fidel Castro à Cuba, ou bien Mao Zedong en Chine, nous offre une vision détournée de ce que pourrait être le communisme. Ce n’est pas le système qui est imparfait, c’est l’homme qui le dirige. L’homme, qui, naturellement, aspire à plus de pouvoir qu’il n’en possède. Et quoi de plus simple que de reformater l’esprit d’une masse compacte, pour servir ses propres ambitions ? Je citerai à nouveau Marx en disant qu’une idée devient une force lorsqu’elle s’empare des masses.
Si la masse existe déjà, il suffit d’y implanter une idée. Le point faible du communisme ? L’homme. Celui qui veut, et celui qui subit. Mais le point fort du communisme, c’est aussi l’homme, qui ne désire rien d’autre qu’une égalité entre tous ses semblables. De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins. Le communisme doit et aurait du rester une utopie. Un rêve auquel nous aurions pu croire. Ce qui fait avancer l’homme, ce sont ses rêves. Mais tenter d ‘imposer seul une utopie comme réalité, c’est s’exposer au danger de la déception, la perfection de notre imaginaire prend une toute autre forme, détruite par les dérives et les extrêmes, l’empirisme amène alors la désillusion, et au final, l’abandon.
Alors, on finit par regretter. Mais on ne regrette pas le communisme, on regrette ce communisme. Comme une petite lettre peut changer toute une façon de penser. Le communisme est un système égalitaire d’entraide et de fraternité extraordinaire. Si il n’était pas dénué d’humanisme, il pourrait aisément gérer des sociétés, des pays, des continents, voire même le monde. C’est beau sur papier, n’est-ce pas ? Mais ce communisme, celui que nos ancêtres ont vécu jusqu’en 1989, n’est que le reflet de nos propres erreurs.
Regretter, c’est deux fois souffrir, telles sont les paroles d’une de mes chansons préférées, et sans doute un de mes credo. Au lieu de continuer à rabaisser un échec, aussi cuisant soit-il, nous devrions tous en tirer des leçons, et ne pas nous laisser abattre…
1929, le système capitaliste est projeté au bord du gouffre, l’augmentation exponentielle de la spéculation boursière retranche le système dans ses dernières limites, qui finissent par rompre. Le krach retentit dans tout WallStreet. La droite a-t-elle pour autant abandonné ? Cette situation s’est reproduite en 1987, et en 2001. Chaque jour, la surproduction et la mégalomanie fragilisent notre système, creusant encore et encore l’écart entre les plus pauvres et les plus riches, tiraillant la classe moyenne au centre du gouffre. Sous prétexte que le chiffre d’affaire est la seule source viable et pertinente de la strate supérieure de notre société consumériste.
Et pourtant, trop peu nombreux sont ceux qui critiquent encore notre économie, et notre politique, comme la gauche fut critiquée en son temps. Ces critiques existent, bien sûr, mais faisant maintenant partie de la minorité écrasée, plus personne ne fait attention à ce qu’ils disent. Mais si l’URSS s’était étendue au lieu de s’effondrer, probablement serais-je à cette heure-ci en train de vous dire que le communisme n’est pas assez critiqué, et que le capitalisme avait lui aussi sa part d’avantages. Car un véritable esprit critique l’est pour tous les sujets, pas seulement ceux qui l’arrangent. Critiquer la société, c’est en critiquer tous les aspects, même ceux qui nous tiennent le plus à cœur.
L’an passé je critiquais le jugement, puis l’amour. Pour arriver ici, j’ai remis en question la liberté d’expression qui nous est si chère, et aujourd’hui, devant vous, j’ai même un regard sceptique envers mes propres convictions politiques. Oui, oui nous pouvons critiquer les travers de la gauche, les ignominies proférées par les hommes les plus tristement célèbres de l’histoire des 19ème et 20ème siècle. Mais ne laissons pas notre droite préférée sur le coté ! Enjoignons-la à la fête, et démontons ensemble ses principes immoraux basés sur les fondations fragiles de notre soumission !
Quelle que soit sa position sur l’échiquier politique, aucun extrême n’est judicieux. Pourquoi continuer à toujours vouloir scinder les populations ? Diviser pour mieux régner ? Mais, divisez pour que le monde devienne un champ de bataille, et il ne vous restera plus grand chose sur quoi régner, que des cendres fumantes et des tas de pierres en ruine. Des systèmes complémentaires et pourtant immiscible de par leur extrémisme profond.
Je ne suis pas un grand adepte de la concession, j’aime être proche de mes idées et savoir ce que je pense, pourquoi je le pense. Mais ici, je pense que quand il en va du destin de sept milliards d’êtres humains, on peut bien faire un petit effort. De nouveau, cela reste une utopie, mais si nous tentons de la construire tous ensembles, le rêve devient un futur presque envisageable.
Tenter de restaurer le communisme, c’est réitérer les erreurs du passé, c’est se borner à retenter quelque chose d’objectivement impossible, en bref, ne pas avoir de tête. Mais ne pas regretter le communisme, c’est nier toutes les idées qu’il aurait pu nous apporter, et qui auraient pu aider la société à se construire, c’est rejeter le fait que le communisme aurait pu faire de grandes choses, c’est ne pas avoir de cœur.
Je ne défends pas là les massacres qui sont aujourd’hui liés, à tort, au communisme, et je ne défendrais pas non plus notre situation actuelle. Mais l’indéfendable n’en est pas pour autant indiscutable.
Jérôme Willems